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« J’ai l’impression de me mouvoir dans un monde de métal et de coton. La neige étouffe les bruits. Elle n’est plus un refuge, elle n’est plus vierge. Elle s’est muée en linceul. Elle m’isole. Elle me trahit. Je n’appelle pas à l’aide, c’est inutile. Personne n’entendra. Les yeux d’ambre sont fixés sur moi. »

    

Aurélie Genêt

               

Les Yeux

                 

Extrait

                 

« La nuit est noire. Un noir d’encre que percent des yeux d’ambre. Ils se sont allumés tout près de moi, sur ma gauche, malgré ma course éperdue. J’ai fui, mais ils m’ont rattrapée. J’ai couru longtemps, longtemps, durant des heures. Toute la nuit, je crois. Oui, c’est ça, sans doute toute la nuit. S’il ne faisait pas si sombre, je parierais même que le soleil devrait être levé depuis un moment déjà. Peut-être possèdent-ils le pouvoir d’interrompre la ronde du temps ? Cela ne me surprendrait pas. En vérité, plus rien ne me surprend.

J’ai perdu toute notion de durée, de lieu aussi. Où suis-je ? Je ne sais. Au cours de cette longue fuite, je n’ai eu comme seuls repères que le battement sourd et trop rapide de mon cœur, la brûlure de mes poumons, l’épuisement croissant de mes jambes douloureuses. Et l’air de la nuit. Froid, humide, gonflé de cauchemars et de peurs séculaires, empli de menaces indistinctes et pourtant presque palpables. J’ai couru et traversé des forêts de fantômes qui me heurtaient le visage de leurs doigts griffus. J’ai affronté des mers de brouillard, blanches sous la lumière d’une lune blafarde. J’y voyais croître les ombres du monde des morts, ces ombres qui naissent dans les brumes obscures et se tapissent au petit jour dans l’humus pourrissant des sous-bois. Elles m’intimaient de poursuivre ma course désespérée, dans la terreur de devenir leur proie.

Une course vaine puisque, à présent, ils sont là. Je le savais, mais j’ai espéré jusqu’au bout. J’ai prié aussi, ma prière restant sans effet. Je m’en doutais. S’il suffisait de cela pour les vaincre, ce serait trop simple. Le Ciel n’écoute pas les plaintes de ceux que traquent les démons. Maintenant que les forces me manquent, maintenant que mon souffle est court et que ma volonté s’émousse, ils sont là pour moi, deux petits phares menaçants. Je le sais, je l’ai toujours su. Les yeux. »

       

 

 

Illustrateur : Coralie Ruiz

Date de parution : avril 2013

ISBN : 979-1-09-255704-6

Prix : 0.99€

Nombre de pages : 17

Edition : E-book

Très, très bon !

Voici un écrit haut en couleurs !

Le texte est riche, sans tomber dans le snobisme littéraire. L'intrigue est dense.

Trois ! Pas quatre ni cinq... Trois ! C'est le nombre de lignes qui suffisent à l'auteure pour nous happer dans la spirale infernale de cette nouvelle.

La chute est plus grandiose encore... Grandiose parce que terrifiante, insurmontable, immuable...

Achat authentifié par Amazon     20/04/2013   Solon

Nouvelle

               
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